LE BONHEUR OU L'ART DE SE CRÉER DES ILLUSIONS

 
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Le premier livre qui a construit ma démarche de développement personnel et m’a interpellé sur la notion de bonheur est une biographie. Cet ouvrage m’a inculqué ma première leçon et, au delà, s’est imposé comme la graine par laquelle tout a commencé pour mon propre parcours. Ce livre s’intitulait - j’utilise le passé puisqu’il n’est malheureusement plus édité aujourd’hui - « Secrets, etc » et a été écrit par Yannick Noah. Il n’est pas un philosophe et encore moins un scientifique, mais un athlète de haut niveau en quête d’une expérience optimale et un meneur d’homme qui ne laisse personne indifférent. Matthieu, un ami, m’a donné ce livre après avoir été lui-même impacté par sa lecture avec son regard d’athlète courant le 800 m et de compétiteur d’un niveau national. Je lui en serai éternellement reconnaissant puisqu’il a influé sur ma vie à plusieurs reprises.

LE BONHEUR EST UN ÉTAT PASSAGER

De nombreuses années se sont écoulées depuis ce partage, presque 20 ans. Pourtant, une notion n’a cessé de résonner dans mon esprit depuis sa lecture : le bonheur ne peut pas être un objectif en soi. Dans son livre, l’auteur explique que gagner Roland Garros était l’objectif de sa vie et que une fois atteint, le plaisir a rapidement laissé place à la désillusion : celle de ne plus avoir d’objectif et surtout de réaliser que celui ciblé initialement, n’était pas synonyme d’un bonheur durable. Il en aurait été de même pour n’importe quel autre objectif. Cette expérience de vie démontre la nécessité de positionner le bonheur comme un état d’être et non comme un élément fixe, déterminé et palpable dans le temps et dans l’espace. Le bonheur est un élément fugace qui ne se projète pas, mais qui s’inscrit et se recherche dans le moment présent. Le bonheur ne peux pas être un objectif en soi.

En re-lisant le livre pour la rédaction de ces quelques lignes, j’ai réalisé à quel point son sous-titre était également intéressant : « la plus belle victoire d’un champion : le bien-être de l’âme et du corps ». Il démontrait la volonté de l’auteur d’écrire et de partager une exploration en écho à un vécu émotionnel impactant et non d’écrire une simple biographie égocentrée. Et cet écho, c’est que le bonheur est peut-être lié au présent, à l’esprit et au corps, à l’idée d’être juste bien et non à de quelconques projections.

 

QUAND J'AI GAGNÉ ROLAND GARROS, J'AI PRIS UN MUR [...] J'AVAIS PENSÉ QUE C'ÉTAIT LE DÉBUT DE LA VIE ET DU BONHEUR. JE N'AI EU DROIT QU'AU VIDE. PARCE QUE JE N'AVAIS RIEN D'AUTRE.

 
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UNE SCIENCE POUR MON BONHEUR

En tant qu’êtres humains, nous avons des difficutés à vivre avec l’inconnu et le flou. Les incertitudes ont tendance à stimuler nos peurs et pour nous rassurer nous ressentons le besoin de trouver de l’ordre et des vérités absolues dans cet environnement chaotique. Le bonheur est un objet très subjectif. Les approches scientifiques et les études liées à la notion de bonheur permettent de nous créer des certitudes et nous accompagnent dans notre évolution vers une expérience dite «heureuse». Malgré mon envie de croire à tout cela, la notion de bonheur a été régulièrement accompagnée de doute dans mon esprit. Des doutes avec la forme suivante : «génial, je crois à cette idée du bonheur... mais bon... comment en être sûr... mais vraiment sûr ?». Mon expérience autour de la pratique de la cohérence cardiaque illustre cette ambivalence humaine entre le besoin de croire à des concepts et le besoin de certitudes liées à leur existence et à leur consistance.

Lors d’une séance de sophrologie, j’ai découvert un outil de respiration : la cohérence cardiaque. Avec mon esprit éduqué à réagir de manière cartésienne, mon réflexe a été d’accepter à moitié l’idée d’une efficacité de la méthode. Tout cela provenait de mon ignorance, de ma méconnaissance de l’idée que la respiration puisse impacter mon état de stress. Par la suite, la sophrologue m’a expliqué que la cohérence cardiaque est née d’une démarche scientifique liée à des études en neuroscience et neuro-cardiologie conduites par des universités américaines, sur les états méditatifs des moines bouddhistes. Sur la base de cette information, je me suis surpris à valider et accepter que la cohérence cardiaque était un outil «indiscutable». Lorsqu’elle ajouta que cet outil était utilisé par les pilotes américains pour gérer leurs réactions au stress, vous pouvez imaginer que son statut augmenta encore... Si notre besoin de certitude nous permet de développer notre capacité d’évolution, cela ne lui empêche pas d’être un frein important à d’autres moments.

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Ce phénomène pourrait s’appeler le « paradoxe de la terre plate ». Imaginons-nous quelques siècles en arrière. Des stimuli concommitents nous indiquent que la terre est sans doute ronde : propos divers, sensations, prémices d’études, explications incertaines, mais possibles, etc. À l’opposé, aucune certitude scientifique ne permet de valider cette hypothèse et d’autres propos m’indiquent qu’elle est a priori plate. Ma réaction naturelle est liée à des besoins de certitude et donc m’emporte vers une posture de choix entre deux options. D’un côté, l’acceptation, la terre est ronde. De l’autre, le déni, la terre est plate. Pourtant, il existe une troisième possibilité qui s’offre à moi. Je peux m’autoriser à penser qu’elle peut être ronde (ou plate) sans certitude absolue, à envisager cette possiblité au gré de mes expériences à venir avec l’attente qu’un jour, une approche scientifique me permettra d’augmenter mon degré de certitude.

De la même manière, je peux considérer qu’une approche ou une méthode est intéressante, l’accepter et l’expérimenter au quotidien sans certitude et sans à priori. N’est-ce pas le propre de la science ? Intégrer une hypothèse, expérimenter et, un jour, pouvoir conclure sans idée préconçue, avec toutes les possibilités dans le champ de vision. Les plus grands scientifiques sont bien souvent d’authentiques philosophes.

Avec les mêmes idées, des médias cultivent une « donnée du bonheur ». À côté de la vision scientifique du bonheur, il existe une vision économique qui aime également bien les chiffres. Mais plus encore, elle préfère les faire parler. Un moment à flâner sur Internet vous apportera autant d’interprétations et de chiffres contradictoires que de certitudes. Le bonheur n’est pas chiffrable sans la définition d’un contexte précis incluant l’échelle à laquelle nous l’observons. Et le simple fait de le chiffrer influence son état : expliquer à un groupe d’individu que 70% d’entre eux sont malheureux et vous verrez ce chiffre augmenter et convaincre les 30% restants que le malheur n’est pas si loin dans leur existence. Le bonheur peut être observé d’un point de vue macro ou micro, à l’échelle de l’individu, du groupe, de la société, etc. Dans les années 70, le souverain du Bouthan, un petit pays entre la Chine et l’Inde, imagine la création d’un indicateur du bonheur. Cet indicateur intitulé BNB en référence au PIB (Produit Intérieur Brut), l’indicateur économique de la richesse. En 2016, la mise à jour du BNB du pays indique une valeur de 0,756 sur une échelle de 0 à 1. On apprend lors de l’étude associée que 91,3% des Bouthanais sont «heureux». Heureux de vivre dans un environnement contrôlé, avec un internet contrôlé, une presse surveillée, des touristes encadrés... À trop chiffrer le bonheur, il finit par avoir un prix !



ET SI ON INSUFFLAIT UN PEU DE LÉGÉRETÉ

Peut-être, le bonheur ne se définit pas simplement, ne se calcule pas, ne se chiffre pas, ne se décrête pas, s’analyse sans doute, mais avec beaucoup de précautions. Peut-être, le bonheur se vit dans l’instant, s’expérimente, se teste, s’installe, se répète, se dérobe, etc. Bref, se vit tout simplement et c’est pour cela que chacun court après sa propre définition du bonheur.

Le bonheur est une aventure humaine. Le bonheur est observé lors de moments qui constituent les éléments de base de notre vie. Son environnement est notre expérience de vie et, bonne nouvelle, si nous modifions notre environnement, nous modifions notre expérience. Nous disposons d’une réelle capacité à générer du bonheur. Mais ce n’est pas le seul facteur qui nous conduise à étiqueter un moment de bonheur, il est également lié à notre manière d’observer nos expériences de vie. L’aventure de notre vie est l’ensemble des expériences que nous vivons dans un environnement et l’état d’esprit avec lequel nous les déroulons. Pour osez modifier son environnement ou son état d'esprit lorsque ceux-ci ne conviennent plus, il est nécessaire de remettre de la légéreté et un brin d'insouciance dans le moment. Le plus dur pour notre athlète intérieur est d'avoir conscience et de garder cette possibilité à l'esprit à tout moment.

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Pour me rappeler que mon bonheur dépend de mon regard et de ma capacité à embrasser le moment, j'ai ancrer le souvenir d'un instant précis parmi mon panel d'expériences de vie. Ce soir-là, j'étais à une conférence et une remise de prix sur le sport et le handicap. Des soucis allaient et venaient dans mon esprit et perturbait mes pensées. Avec une telle amplitude que chaque moment de la soirée résonnait dans des teintes grisées : trop de bruit, trop de salutations et de paroles creuses, etc. Au moment de quitter la soirée, un jeune athlète atteint de trisomie 21 s'est écarté de ses proches et s'est rapproché d'un drapeau tricolore. Il a commencé à chanter l'hymne national, à sa manière, sans complexe, avec un regard léger, brillant et un large sourire. Son père l'a rejoint lui a brasser les cheveux de sa main et il est reparti avec son fils, un bras sur ses épaules.

Ce moment et la posture de ce jeune athlète restent gravés dans mon esprit. Voir son monde avec légéreté est une ressource essentielle pour vivre simplement. Et vous, quels sont les moments qui ont illustré cette légéreté dans votre vie ? N'hésitez pas à les partager dans les commentaires, c'est le premier pas pour les ancrer !